11 juillet 2012

Obsolète la SNC comme forme d’association de pharmaciens ? Pénalisante en termes de fiscalité et de responsabilité notamment, la SNC se voit aujourd’hui préférer la SEL. L’explication avec Alix Garnier, qui défend le principe de l’association, et l’avocate spécialisée, maître Wanda Bataille.

L’explication d’Alix Garnier.

L’association entre pharmaciens, enfer ou paradis ?

Alix Garnier : de nombreux pharmaciens vivent très bien l’association et j’ai heureusement rencontré davantage de mariages heureux que de divorces douloureux ! Certaines officines fonctionnent à merveille grâce à la complémentarité des associés et au sein de mon cabinet, nous avons connu beaucoup de belles réussites d’officines grâce à des associations. Mais tout le monde n’est pas fait pour cela !

Quels en sont les avantages ?

Alix Garnier : nous avons vu beaucoup de pharmaciens, installés seuls en nom propre, s’associer avec un adjoint afin de partager la gestion de l’officine devenue un peu trop lourde. De même, faire entrer un associé c’est apporter du sang neuf et un nouveau dynamisme qui peuvent permettre de donner un nouvel élan à l’officine. Et puis, il faut savoir que le rachat de la moitié d’une officine se fait à un prix proportionnellement inférieur à la valeur qui serait proposée si elle était rachetée en totalité. C’est ce qui a permis à certains adjoints de s’associer, grâce à un apport personnel moins élevé, l’associé restant en place servant, en quelque sorte, de caution.

Et du côté des inconvénients ?

Alix Garnier : l’association, c’est une double adaptation ! Il faut en effet être prêt à entrer dans l’univers de quelqu’un d’autre et à partager le sien. Cela implique une certaine complémentarité des qualités humaines de chacun et une bonne entente dans la répartition des taches. Sinon, la vie au sein de l’officine peut devenir humainement pénible. Dans le cadre d’une association entre pharmaciens, un cabinet de transaction doit donc porter une réelle attention aux personnes et savoir se montrer perspicace !

En termes de forme juridique, vous ne préconisez pas la Société en Nom Collectif (SNC), mais plutôt la SEL : pourquoi ?

Alix Garnier : contrairement à une SEL qui est une société de capitaux, la SNC est une société de personnes. Cette forme d’association comporte plusieurs inconvénients qui la rendent obsolètes. Sur le plan de la responsabilité, chaque associé d’une SNC est responsable des dettes de la société sur ses biens personnels. Dans le cadre d’une SEL, en revanche, la responsabilité s’arrête au capital engagé. De même, les charges sociales de l’exploitant (TNS) sont calculées sur la quotte part du résultat de la SNC, tandis qu’en SEL le calcul est fait à partir de la rémunération, donc elles sont linéaires. Enfin, il est tellement difficile de sortir d’une SNC, mieux vaut ne pas y entrer, d’autant que le ticket est élevé !

Pourquoi ?

Alix Garnier : c’est un cercle vicieux ! Le ticket d’entrée dans une SNC, c’est environ 50% de la valeur des parts, contre 20% à 30% du prix de vente quand on rachète un fonds. Or quelqu’un qui a un tel apport préfèrera sans doute s’installer seul, d’où la difficulté à trouver un acquéreur quand on souhaite vendre ses parts d’une SNC. De nombreuses situations problématiques sont héritées de cette forme d’association. On trouve par exemple de nombreuses officines exploitées en SNC, et dont seul l’un des associés souhaite partir à la retraite, à condition de vendre ses parts ! Quand l’un souhaite vendre, et que l’autre souhaite rester en SNC, cela peut durer longtemps…

Un associé de SNC n’a-t-il pas intérêt à racheter les parts de celui qui aspire à les vendre ?

Alix Garnier : disons que cela implique de contracter un emprunt personnel et d’envisager l’embauche d’un adjoint. Sans compter qu’il faut au préalable que les deux associés s’entendent sur la valeur des parts…

N’est-il pas possible de prévoir toutes ces situations ?

Alix Garnier : évidemment, on peut avoir codifié au préalable les conditions de sortie de la SNC dans un pacte d’associés. Mais on trouve rarement ce genre d’accord dans les ventes que l’on rencontre aujourd’hui, car il n’était d’usage de le prévoir.

Alors comment sortir d’une SNC ?

Alix Garnier : la solution consiste, pour les deux associés, à se mettre d’accord pour vendre le fonds (qui appartient à la SNC) à une SEL. C’est en effet la forme juridique qui est choisie dans plus de la moitié des cas de mutations d’officines. L’associé restant capitalise en même temps que celui qui sort, avec certes la contrainte du paiement de la plus-value. Puis il réinjecte le même capital que le nouvel associé entrant dans la SEL et repart à égalité pour une capitalisation ultérieure. Le capital dégagé par la vente peut lui procurer des revenus qui viennent s’ajouter à sa rémunération. Et à sa sortie, il revendra une deuxième fois !

 

Le point de vue de Maître Wanda Bataille, avocate

Pourquoi préférer une autre forme de société à la SNC ?

Maître Bataille : nous sommes dans un marché en évolution et il est parfaitement exact que la revente de parts de SNC est devenu compliqué, surtout pour les grosses officines. L’acquéreur potentiel doit savoir que le ticket d’entrée est effectivement élevé et que, d’autre part, la fiscalité de la SNC peut être pénalisante. D’autre part, en SNC, les associés sont personnellement et solidairement responsables des dettes de la société. Ce qui signifie que si la société ne peut faire face à son passif, c’est aux associés d’en assumer la charge…

Et pourquoi choisir la SEL ?

Maître Bataille : tout d’abord, détenir des parts de SEL, c’est fiscalement moins pénalisant que dans le cas de la SNC, pendant la période d’exploitation au moins. Ensuite, pour un associé de SNC qui souhaitait initialement vendre ses parts, deux solutions s’offrent à l’associé de SEL : la vente de ses parts de SEL, ou la réduction de capital par rachat puis annulation des parts.

Catégories : Juridique et financementsPar Publié le : 11 juillet 20125,4 min de lecture

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