9 février 2023

Attractivité du métier, quel avenir ?

La dynamique positive du secteur de la pharmacie Française n’est plus ce qu’elle était. L’attractivité du métier baisse. Avec plus de 1100 places vacantes en 2ème année de pharmacie pour la rentrée 2022, 15 000 postes à pourvoir au sein du secteur officinale et de nombreuses personnes en reconversion, l’heure est au pessimisme.

A qui la faute ? À l’université qui n’a pas su anticiper les évolutions professionnelles ? Au gouvernement qui effrite constamment les capacités d’investissement des pharmacies ? Aux pharmaciens titulaires qui n’ont pas su transmettre leur passion du métier ? Tout le monde est responsable.

Contexte sociétal mondial

Un phénomène sociétal mondial vient bousculer les règles traditionnelles. Le départ à la retraite de la génération des babyboomers chamboule l’équilibre des entreprises. Ces personnes ont grandi dans un contexte de reconstruction économique où les évolutions de carrières étaient prévisibles avec une hiérarchie très établie. La situation a évolué notamment à la fin des années 70 avec les premières crises économiques liées aux chocs pétroliers. Avec une insécurité de l’emploi grandissante, cette génération est donc restée fidèle à ses employeurs, capable de supporter le mauvais caractère de son manager en restant solidement attachée à son contrat à durée indéterminé.

Depuis les modes de pensée ont évolué et les entreprises ont du mal à renouveler leurs effectifs. Les individus de la génération Y, qui viennent d’arriver sur le marché du travail, ont vu certains de leurs parents se faire licencier au sein de plan sociaux en lien avec la mondialisation malgré la qualité de leurs travails. Ils sont donc beaucoup moins attachés à leurs emplois.

Avec la révolution numérique qui a accéléré considérablement la transmission des informations, cette nouvelle génération s’interroge beaucoup sur son avenir.

Attractivité

De nouvelles attentes

Mais que souhaite cette génération qui challenge l’ordre établi depuis des décennies ?

  • Des valeurs et une mission forte avec un impact sociétal et environnemental. En quête de sens, elle souhaite pouvoir intégrer des projets à forte valeur ajoutée.
  • Le numérique fait aller vite même parfois trop vite. L’immédiateté est devenue une habitude. Elle souhaite travailler plusieurs sujets à la fois et recherchent de la transversalité dans son quotidien afin de ne pas se lasser.
  • Un management collaboratif, travailler en communauté c’est plus engageant. La verticalité lui hérisse les poils, l’intelligence collective raisonne en eux.
  • De la flexibilité et avoir du temps pour soi. L’équilibre temps libre – temps travaillé
  • Transparence et équité. Elle a besoin d’être en confiance et de ne pas venir travailler uniquement pour son salaire.
  • Une ouverture au monde. Plus aucune entreprise ne fonctionne dans un écosystème 100% local. Elle souhaite aller voir ce qu’il se passe ailleurs et travailler dans un espace sans frontières.

La pharmacie d’officine n’a pour ainsi dire jamais eu de difficulté à recruter. C’est la première fois qu’elle se confronte à un problème humain de cette ampleur. Comment doit-elle répondre à ces nouvelles aspirations et devenir séduisante pour les personnes présentes sur le marché du travail mais également pour la jeune génération qui va bientôt faire le choix de son orientation professionnelle ?

VALEURS & missions

Le secteur médical a l’une des missions les plus importante pour notre société : « Maintenir en bonne santé toute la population » Avec des valeurs humaines telles que la confiance, le dévouement et la confraternité, travailler dans le médical fait sens.

Mais pourquoi avons-nous du mal à recruter ? Avec une population vieillissante, l’État Français cherche des solutions pour maintenir notre système de santé à flot. L’une des solutions trouvées est la baisse de prix des médicaments voire leur déremboursement. En diminuant la rentabilité des ordonnances, les pharmacies ont dû se différencier sur de nouveaux secteurs tels que la parapharmacie. Un domaine d’activité où l’aspect commercial est prépondérant avec des stratégies se rapprochant de la grande distribution. En s’orientant de la sorte, nous nous sommes éloignés de notre mission première et de nos valeurs, voici l’une des premières réponses.

Avec la pandémie Covid-19, le gouvernement a vraisemblablement ouvert les yeux sur l’efficacité du maillage officinal. Les pouvoirs politiques en accord avec les syndicats professionnels valident peu à peu de nouveaux services officinaux qui réorientent la profession dans le bon sens. Mais la fracture est bien présente et cette solution aura un impact positif à moyen terme.

Numérique & Spontanéité

Le secteur officinal est dépendant de la bonne volonté d’évolution de ses éditeurs de logiciels métiers. Avec un poids administratif très lourd au sein des entreprises, le numérique doit prendre la place de l’humain sur toutes les tâches automatisables. Il est indispensable que ces partenaires de longue date évoluent en ce sens et permettent au secteur de se concentrer sur les tâches à haute valeur ajoutée. Il n’est pas possible d’inscrire dans la fiche de poste d’un professionnel de santé la gestion des impayés clients, le suivi des commandes fournisseurs notamment.

A court terme, les pharmacies doivent s’organiser avec des profils non médicaux pour toutes les tâches non liées à la santé. A moyen terme, nous devons bénéficier des innovations digitales qui nous permettront de gagner du temps au quotidien.

Collaboratif & flexibilité

Avec des méthodes de management qui n’ont peu voire jamais évolué du fait d’une organisation traditionnelle « titulaire-adjoint-préparateur », le secteur a du mal à être dynamique et à donner des perspectives de carrières.

Nous ne naissons pas manager, nous le devenons. A l’heure actuel, les notions de management sont bien souvent trop peu mises en avant. Aucunes formations ou très peu sont proposées lors des cursus universitaires. Et bien trop peu de pharmaciens en activité sont épaulés au quotidien par des conseillers externes.

Le management se limite donc la plupart du temps à la gestion du planning et des tâches opérationnelles.

Sans perspectives d’évolution et sans ligne directrice clairement communiquée, il est difficile pour des collaborateurs de rester engager dans un projet. Avec des nouveaux services à mettre en place, certaines officines font même le choix de passer chemin de peur de complexifier leur organisation et de perdre encore plus la flexibilité qui leur fait défaut.

Les notions de management et de recrutement n’ont jamais été aussi importantes et cela ne s’invente pas du jour au lendemain. Il est indispensable de former les cadres de nos entreprises et de les accompagner en leur donnant les bons outils.

La filière officinale doit donc repenser sa formation, intégrer des notions de management lors des cursus scolaires et prendre exemple sur les écoles d’ingénieurs ou de commerce où le travail en groupe est prépondérant.

transparence & équité

De nombreux déséquilibres sont présents dans le secteur officinal. Ils annihilent les perspectives de carrières de personnes talentueuses qui font le choix de changer de voie.

La logique veut qu’un docteur en pharmacie passe de pharmacien adjoint à pharmacien titulaire. C’est l’ordre naturel préétabli depuis des dizaines d’années et jamais remis en question. Est-ce transparent et équitable ? Avec un nombre limité en fonction du nombre d’habitants, le nombre d’officines est d’un peu plus de 20 000 en France. L’élément limitant n’est pas lié aux qualités entrepreneuriales d’un individu mais à ces capacités financières. Contrairement aux autres secteurs, le marché officinal se concentre quasi uniquement à la reprise d’entreprise. Partir de zéro, n’existe donc presque pas. Avec ce principe bon nombre de pharmaciens ayant la fibre entrepreneuriale se retrouvent sans possibilité de s’installer.

De plus cet ordre préétabli oriente des profils qui n’ont pas les aspirations pour devenir chef d’entreprise dans une évolution de carrière qui n’est pas la leur.

Avec des pharmaciens titulaires qui ne sont pas à leur place et des pharmaciens adjoints ne pouvant pas évoluer, l’équité au sein des pharmacies Françaises n’est pas très cohérente.

Pour les préparateurs en pharmacie, c’est la même chose. Le nom lui-même ne correspond plus à leur fiche de poste. Ne faudrait-il pas les appeler Adjoints du pharmacien et revaloriser leur rémunération ?

Avec ce manque de transparence et d’équité, les perspectives de carrières sont devenues très peu lisibles. Les jeunes générations n’ont plus confiance en l’avenir de cette branche qui n’arrive pas à dessiner son futur.

Il est indispensable de détecter à court terme les talents de demain qui dirigeront avec réussite le maillage officinal. Les groupements d’intérêts économique s’organisent en ce sens mais un partenaire institutionnel devrait prendre la responsabilité de les rassembler sous la forme d’une pépinière nationale.

 

Une ouverture au monde complexe

Pour avoir le droit d’exercer le métier de pharmacien en France, il faut avoir obtenu son diplôme de Docteur en Pharmacie dans une faculté française sans forcément être de nationalité française.

« Article L4221-1 du Code de la santé publique »

Pour les individus ayant obtenus leurs diplômes dans une faculté de l’Union Européenne, une reconnaissance automatique est prévue par la règlementation européenne. Il suffit d’avoir une attestation de conformité par les autorités compétentes de l’État d’origine et de maitriser la langue française.

Pour les internationaux non Européens mais ayant réalisés leurs études au sein de l’Union Européenne, la reconnaissance automatique n’est pas valable. Une commission étudiera les candidatures et tranchera en fonction.

Pour ces mêmes internationaux ayant réalisés leurs études en dehors de l’Union Européenne, le passage par le concours PACES est obligatoire avant de pouvoir intégrer la 5ème année des études de pharmacie.

Les règles sont plus ou moins logiques. Le poids d’une première année de concours ralentit très fortement l’intégration des profils internationaux non Européens. Avec des formations spécifiques de remise à niveau au sein des facultés, nous pourrions intégrer de nombreuses personnes motivées pour exercer dans nos pharmacies.

 

le plan de relance officinal

1 – Recentrer la création de valeur autour des services en lien avec la mission première des pharmacies : « Soigner la population »

2 – Intégrer des profils complémentaires à l’équipe médicale au sein des structures pharmaceutiques (conseillère en parapharmacie, rayonniste, comptable, secrétaire…)

3 – Un cursus titulariat et pharmacien expert différencié : Faire changer les mentalités. Un pharmacien titulaire est un chef d’entreprise généraliste avec une forte appétence pour le management. Un pharmacien adjoint est un profil technique qui a un très haut niveau d’expertise dans les sciences médicales. L’un ne va pas sans l’autre. Il est indispensable d’organiser des formations spécifiques dès le cursus universitaire.

4 – Le travail collaboratif est l’avenir de notre filière. Doit-on encore rester sur des modèles où 3 voir 4 pharmacies sont présentes dans la même rue ?

5 – Un PLFSS 2024 en faveur du secteur : La création et la dilution de la richesse doivent être épaulé par les choix gouvernementaux. Avec une revalorisation des rémunérations, le secteur sera en cohérence avec le niveau de responsabilité des professionnels de santé

6 – Il y a de nombreux talents étrangers qui souhaitent venir travailler en France. Nous devons faciliter leur intégration au sein de nos entreprises. Il n’y a pas mieux qu’un œil nouveau international pour prendre de la hauteur sur son organisation.

Article écrit par Etienne Gatignol 

Catégories : Activité de l'officine, ActualitésPar Publié le : 09 février 202310,3 min de lecture

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